Cyber société, Francophonie et pays en développement

 


Les technologies de l’information et de la communication ont transformé notre monde. Les transformations sont telles que la révolution de l’information a impacté tous les secteurs d’activités. Ce qui a poussé les entreprises à revoir leurs modèles de plan d’affaires aussi bien que les gouvernements à repenser la création et la délivrance des services publics. À la suite de cette évolution, les opportunités que peuvent offrir les technologies de l’information et de la communication sont limitées par l’imagination et l’application des efforts.


Le potentiel des TIC, particulièrement Internet, n'a cessé de séduire un nombre d’individus à travers le monde. En effet, le nombre d’internautes n’a cessé de progresser durant les dernières années. Passant de 16 millions en 1995 à 361 millions en 2000, et d’1 966 milliards en Juin 2010 à 5 473 milliards en 2022[1].


Au-delà de l’adoption individuelle des TIC, le développement des réseaux de communication dès le départ a retenu l’intérêt des différentes organisations gouvernementales,  inter-gouvernementales et non gouvernementales, des institutions académiques et de la société civile. 


Depuis la création de l’Internet, les différents acteurs s’opposent sur la nécessité d’une intervention des Etats dans le cyberespace. Les discussions opposent d’un côté les indépendantistes et d’un autre les souverainistes. Les premiers refusent toute intervention des Etats alors que les derniers affirment que l’intervention étatique est nécessaire et inévitable. 


La célèbre “Déclaration d’indépendance du cyberespace” rédigée le 8 février 1996 à Davos en Suisse par John Perry Barlow reflète le mieux les craintes des acteurs d’une intervention de l’Etat[2].


Depuis, les initiatives autour de la gouvernance du cyberespace se multiplient. Du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) au Forum annuel sur la Gouvernance de l’Internet organisé sous le patronage du Secrétariat général des Nations unies, les débats s’intensifient pour déterminer des règles communes et des modèles de gouvernance du cyberespace.


Les discussions ont évolué à l’obtention d’un large consensus sur l’obligation de l’intervention des Etats. Toutefois, les acteurs sont toujours divisés  sur ses domaines d’intervention, les modalités de cette intervention et l'équilibre entre ses pouvoirs régaliens et le respect des droits fondamentaux dans la cybersociété.


L'omniprésence actuelle des réseaux de communication dans le monde a particulièrement attiré l’attention des grandes puissances et les coalitions politiques. Des événements récents, tels que les révélations d’Edward Snowden sur la cybersurveillance des Etats-Unis d’Amérique à travers le projet « PRISM »[3], l’accusation contre la Russie pour avoir tenté d’influencer les élections américaines en 2016[4], et le scandale du logiciel espion “Pegasus”, témoignent des divers intérêts que portent les entités étatiques pour les technologies de l’information et des communications[5].


La multiplication des actions des Etats dans le cyberespace a été suivi de deux mouvements : premièrement, le développement d’un ensemble d’initiatives pour déterminer les normes réglementant le comportement des Etats dans le cyberespace et enfin la nomination de cyber ambassadeurs par certains Etats.

Le 15 septembre dernier, le Sénat États-Unien a validé la nomination de Nataniel Fick comme premier ambassadeur du cyberespace (Ambassador-at-large for cyberspace en anglais) du pays[6].


Selon l’un des experts du  Cyberspace Solarium Commission, en nommant Monsieur Fick les Etats-unis sera mieux placée pour répondre aux menaces croissantes, éclairer l'élaboration de règles d'engagement mondiales et créer des règles de conduite internationales désespérément nécessaires pour le cyberespace[7].


Cette nouvelle nomination a été suivie du lancement d’un programme de recrutement de Leaders émergents à travers le monde, et la création d'un bureau dédié au département d'État américain[8]. En parallèle, La Russie se positionne comme un leader dans l’élaboration d’une Convention internationale sur l’utilisation des TIC à des fins criminelles[9]. D’autre part, nous assistons à une guerre d'accusations entre des superpuissances d’utiliser les nouvelles technologies à des fins malveillantes. Par exemple, le chef des services d’intelligence britannique, Jeremy Fleming a accusé la Chine d’utiliser les technologies pour contrôler ses citoyens et dominer ses ennemis à l’étranger[10]. Des accusations démenties par Pékin reprises par des médias prochinois[11]. Ces faits  confirment, si besoin était, l'intérêt des superpuissances d’avoir une position proéminente dans la cybersociété mondiale.


Dans le même sens, des discussions sont en cours au niveau onusien pour élaborer des normes de conduite responsable des États dans le cyberespace pour la sauvegarde de la sécurité internationale. À cet effet, les recommandations du groupe d'experts intergouvernemental de 2015 et subséquentes sont promues par l'ONU à être appliquées par les États. Des mouvements similaires sont constatés au niveau des coalitions politiques et militaires comme l'OTAN et l’Union européenne.


L'un des principes phares des recommandations de l’ONU est le développement des capacités des pays en développement. Puisque selon les experts, la vulnérabilité de ces derniers représente un danger pour la sécurité internationale. Car les criminels et les terroristes peuvent profiter des vulnérabilités et des différences entre les États pour miner la sécurité et porter atteinte aux infrastructures essentielles au niveau international. 


En dépit de ces initiatives et des enjeux, force est de constater  que les pays en développement peinent à mettre en place les structures institutionnelles et juridiques  pour profiter des retombées du numérique et assurer la sécurité des systèmes d’information. 


Cette mouvance internationale représente une opportunité pour l'émergence effective de la communauté francophone en tant qu'acteur prépondérant dans la gouvernance de la cybersociété internationale  et une occasion d’appuyer le renforcement des capacités des pays en voie de développement à mieux s’approprier des avantages du numérique.


Il apparaît de ce qui précède la nécessité pour la Francophonie d'accroître ses actions dans le domaine du numérique, notamment la cybersécurité.  De telles actions peuvent renforcer la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme dans le monde.


Fort de cette préoccupation, nous nous étalons de présenter la Francophonie et la Gouvernance globale de la cybersécurité, en dressant l'état de lieu des initiatives au niveau international et en interrogeant ses actions actuelles (1). De ce fait, il paraît indispensable d'identifier les besoins des pays en développement dans le domaine du numérique, notamment dans le domaine de la cybersécurité en prenant pour exemple le cas d’Haïti (2). 


La Francophonie et la Gouvernance globale du cyberespace

Les initiatives sur la gouvernance globale du cyberespace, particulièrement la cybersécurité internationale, s’orientent dans deux directions principales. Premièrement, le développement de cyber normes applicable aux activités des Etats dans le cyberespace (A). Deuxièmement, le renforcement des capacités des Etats à lutter contre l’utilisation illicite et illégitime des TIC autant par des acteurs étatiques que des acteurs non-étatiques (B). Ces descriptions seront l’occasion de questionner les actions de la Francophonie dans le domaine du numérique. 


  1. Le développement de cyber normes  

Les discussions sur les normes de gouvernance du cyberespace font l’objet de l’agenda des Nations Unies depuis 1998. Depuis 2004, six groupes d’experts gouvernementaux se sont succédé dans l'étude des menaces des TIC dans le contexte de la sécurité internationale. Le rapport 2015 par  le groupe d’experts gouvernementaux a été adopté à travers la résolution 70/237. Cette résolution contient 11 normes d’application volontaire, dont  huit  (8) posent des obligations positives aux Etats et trois (3) des obligations négatives. 


En 2018, à travers la résolution 73/27 l'Assemblée générale a établi un groupe d’experts à composition illimitée dont le rapport a été endossé par la résolution 75/564. Un autre groupe d’experts a été établie pour une période de cinq ans jusqu’en 2025[12].


Au niveau de l’OTAN, le développement des cyber normes et des capacités est géré par le Centre d’excellence de coopération en cyberdéfense (NATO Cooperative Cyber Defence Centre of Excellence -NATO CCD COE en anglais ). Outre les initiatives de formation et développement des capacités des Etats membres, le manuel de Talinn commandé par l’organisation est une référence mondiale sur l’application du droit international au cyberespace.


Au niveau européen, les questions liées à la cyber sécurité, la gouvernance et la régulation du cyberespace est au cœur des activités des différentes agences de l’Union européenne. Du point de vue juridique, l’Europe est considéré comme un leader dans la réglementation des activités dans le cyberespace au niveau mondial. Les règles de droit sur les sujets liés au cyberespace, notamment le Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) , le Digital markets Act (DMA) et le Digital Services Act, servent d’inspiration aux nations du monde entier. La Convention sur la cybercriminalité  du 23 novembre 2001 de l’Europe représente à ce jour la seule convention internationale sur la cybercriminalité[13]


D’autres coalitions multilatérales, des institutions académiques et entreprises privées ont également adopté des normes sur le comportement responsable des États dans le cyberespace. Nous pouvons citer brièvement : le Code de conduite international pour la sécurité[14],  Paris Call for Trust and Security in Cyberspace[15], Microsoft’s international cybersecurity norms, the Hague Program for Cyber Norms. 


Ces normes ajoutées aux standards techniques qui gouvernent le cyberespace représentent une pléthore de  règles réglementant le comportement des Etats et les autres acteurs dans le cyberespace[16].  Malgré l’accroissement des normes, elles restent méconnues des spécialistes en politiques publiques (policymakers en anglais), des décideurs,  des entreprises et de la société civile, particulièrement dans les pays en développement.


En dépit des nombreux progrès de la Francophonie dans le domaine du numérique, dont la Stratégie numérique de la Francophonie représente la preuve tangible, beaucoup d’actions doivent être prises pour renforcer  la position de la communauté francophone dans l'arène international.


L’un des premiers constats que l’on peut établir est l’absence de nombreux membres et de l’organisation internationale de la Francophonie dans les débats autour des cyber normes[17].  S’il est vrai que plusieurs ateliers ont été organisés sous l’égide de la Francophonie sur la cybercriminalité, la gouvernance de l’internet[18], il n’en reste que les actions doivent s’intensifier afin de réaliser la transformation numérique dans la communauté francophone.


Les actions de la Francophonie devront appuyer non seulement le renforcement des capacités mais aussi favoriser  l'émergence de l’organisation en tant qu’acteur  et non un simple participant dans la gouvernance globale du cyberespace. L’organisation doit également soutenir le leadership francophone dans l'arène de la cyber diplomatie. 


Ces actions peuvent se concrétiser en harmonie avec la Stratégie numérique de la Francophonie (2022-2026) par la soumission de commentaires sur les travaux des groupes d’experts de l’ONU. La création d’un cours à distance sur les cyber normes internationales, l’adoption d’une stratégie de la cybersécurité de la Francophonie et l'établissement d’une commission/groupe ouvert à tous les membres ayant pour mission d’identifier les besoins et proposer des solutions dans le domaine du numérique, notamment la cybersécurité.


B.    Le renforcement des capacités des Etats

Le développement des capacités est au cœur des activités de l’ONU, de l’Union européenne et de l’OTAN. Les interventions des organisations inter gouvernementales ne se limitent pas à des actions de sensibilisation des membres et le partage des meilleures pratiques internationales. Leurs actions se matérialisent également à travers la défense et la promotion des valeurs communes à leurs communautés.


 Du côté des Nations Unies, plusieurs initiatives de formation permanentes sont établies notamment à travers l'académie des différentes agences de l’Organisation. L’Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement, l’Union internationale des télécommunications et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) contribuent chacun dans leur spécialité respective à la promotion des normes et le développement des capacités dans le domaine du numérique.


L’OTAN et l'UE disposent de nombreuses initiatives de renforcement des capacités. L'Agence européenne pour la cybersécurité et NATO Communications and Information Academy sont des centres permanents d’excellence qui forment les individus à mieux saisir les enjeux de la cybersécurité.


Des initiatives similaires pourront voir le jour au niveau de la Francophonie en application de l’Objectif 4 de la Stratégie numérique 2022-2026, qui se lit ainsi : [ La présente Stratégie a pour objectif…]  la création d’une sphère d’influence pour la langue française et pour l’expertise francophone sur la scène multilatérale, notamment au sein des enceintes de négociation et de décision sur les politiques numériques, ainsi que sur les marchés internationaux et dans le développement de normes internationales liées au numérique.


La mise en œuvre de cet objectif de création d’une expertise francophone ne pourra se réaliser sans préalablement développer cette expertise. Dans la communauté anglophone, il existe une panoplie d’outils, de programmes et de formations disponibles en ligne, en contraste avec la communauté francophone. N’importe qui désireux d'acquérir des compétences en cybersécurité, sur les incidences des TIC sur les droits fondamentaux, la cyber diplomatie, la gouvernance de l’internet et le droit du numérique peut les trouver à profusion en anglais. De telles ressources sont rares en français, tout du moins, elles n’existent que sur des plateformes payantes et savantes qui la plupart du temps ne sont pas accessibles aux personnes à faible ressource qui souhaitent se former, notamment dans les pays en développement.


Pour ces raisons, la communauté francophone doit prêter une attention soutenue au développement inclusif de l’expertise francophone. En veillant à ne pas traiter les États en voie de développement comme des problèmes à gérer dans l’agenda de l’Organisation mais en renforçant leurs capacités à devenir des acteurs de cette transformation.


Renforcement des capacités des pays en développement : Le cas d'Haïti

 La cybersécurité est une question cruciale pour les Etats sans considération de leur niveau de développement.  En Haïti, la question n’a pas toujours laissé indifférent  les responsables politiques. On a constaté durant les dernières années, une volonté embryonnaire d’adopter un cadre juridique et institutionnel (A) visant à réglementer cette dernière. Toutefois, ces initiatives souffrent de pérennité et d’une mise en application (B).


  1. Cadre juridique et institutionnel de la cybersécurité en Haïti

Le cadre juridique et institutionnel sur la cybersécurité en Haïti est à parfaire. En effet, les lois abordant la question sont rares, de même que les structures institutionnelles permanentes.  Cependant, on a constaté un début de volonté de réguler la cybersécurité et de jeter les bases institutionnelles de sa gouvernance.


Les textes juridiques suivants sont applicables dans le domaine de la cybersécurité en Haïti :

Dans le secteur bancaire et financier, la loi du 14 mai 2012  sur les banques commerciales et les institutions financières[19] en ses articles 75 fait obligation aux banques de sécuriser leurs plateformes électroniques. En vertu des prérogatives des articles 83 al. 10 et 161, la Banque de la République d’Haïti (la Banque centrale) a fixé (dans la circulaire no 126) les règles minimales de sécurité des systèmes informatiques des institutions financières[20].


Au niveau de l’administration publique, selon les dispositions du décret de 2020 modifiant le statut de l’Institut haïtien des statistiques et de l’informatique (IHSI), la sécurité informatique de l’Etat incombe à cette dernière[21]. Faut-il également mentionné que, le décret du 29 Janvier 2016 communément appelé « le décret sur la gouvernance électronique » fait injonction à l’administration publique, aux collectivités territoriales et organismes autonomes de s’assurer de la disponibilité, de l’accès, de l’intégrité, de l’authenticité, de la confidentialité et de la conservation des données, informations et services traités[22]. Ce décret pose aussi le principe de la protection des données personnelles dans le secteur public. L’Arrêté datant du 16 Juillet 2014 sur le Comité interministériel sur les technologies de l’information et de la communication avait confié à cette structure la responsabilité de définir une stratégie nationale de la cyber sécurité.


Il faut également signaler l’avant-projet de loi adopté en Conseil des Ministres le 28 février 2018 sur une institution centrale chargée de gérer les nouvelles technologies dans le secteur public, notamment les questions liées à la  cyber sécurité. Cet organe dénommé « Direction générale des nouvelles technologies (DGNT) » sera chargé de développer et sécuriser les infrastructures technologiques de l’Etat.


Récapitulatif de la législation sur la cybersécurité

Type de règles

Statut

Exemples

Loi exigeant la cyber sécurité

 Oui

Décret sur les banques et institutions financières,

Décret sur la gouvernance électronique

Décret modifiant le statut de l’IHSI

 

Loi protégeant les intérêts nationaux

Non

Aucun

 

Loi sur la cybercriminalité

Non

Aucun

Commentaire :  Le nouveau code pénal publié initialement le 24 juin 2020 dans Le Moniteur.dont l’entrée en vigueur du code, fixée initialement au Juin 2022, a été reportée au juin 2024.

Loi de contrôle de l’investissement étranger

Non

Aucun

 

Les “progrès” institutionnels dans le domaine du numérique en Haïti dépendent fortement de la priorité du gouvernement en place.


Quoiqu’il est difficile de se faire une idée précise de la manière dont la cyber sécurité est gérée en Haïti. Selon les informations disponibles, les institutions suivantes sont impliquées dans la cyber sécurité nationale.


Le Conseil national des télécommunications (CONATEL) créé par un décret datant du 30 Octobre 1969, révisé par le décret sur  20 Août 1987 redéfinissant la mission du Conseil National des Télécommunications et fixant ses attributions en ce qui attrait à la planification, la réglementation et le contrôle des services de télécommunication, est l’organe principalement des télécommunications en Haïti. Il concourt à la gestion de la cybersécurité dans le pays à travers son service Cyber Sécurité et de Contrôle de Qualité à la Direction des Réseaux et Services.


L’Office de Management des Ressources humaines (OMRH) fut responsable de la gouvernance électronique de l’administration publique. Cependant, les prérogatives de l’Office ont été transférées au secrétariat technique du Comité interministériel des technologies de l’information (CITI) susmentionné.


Dans la pratique, les entités de l’administration centrale, des organismes autonomes et des collectivités territoriales disposent d’une unité/direction qui s’occupe de leur cybersécurité. Il n’existe pas de stratégie nationale de la cybersécurité, non plus une gestion nationale coordonnée de celle-ci.


B.      Absence de pérennisation et de mise en application des projets de cyber sécurité

La nécessité de doter le pays d’un plan national de cyber sécurité n’a pas toujours été absent au niveau de l’administration publique. Déjà en 2012, le gouvernement organisait des ateliers sur la cyber sécurité nationale[23] et un projet de loi sur le cyber crime et la cyber sécurité  a été présenté au public, en date du 5 mai 2015, par le Conseil National des Télécommunications (CONATEL)[24]. De plus, comme nous l’avons fait remarquer plus haut, en 2014 un arrêté du premier ministre d’alors avait créé le Comité interministériel sur les technologies de l’information (CITI).

 

Selon le media haïtien « Ayibopost », le projet de gouvernance électronique qui a reçu plus de trois (3) million cinq cent milles (500 000) de dollars américain d’appui de la Banque interaméricaine de développement, n’a pas fait long feu à cause notamment de la réticence des hauts responsables, de la mauvaise gestion des fonds et d’un manque d’intérêt de l’Administration[25].


Les obstacles au développement du numérique en Haïti ont des racines profondes. Le pays fait face à plusieurs problèmes institutionnels et financiers ajoutés à l’absence de volonté des décideurs de créer des conditions favorables au secteur.


L’accès à l’électricité indispensable au développement du numérique, (puisque les gens ne pourront utiliser les outils électroniques et tirer profit du numérique avec leurs appareils déchargés), reste un défi. La couverture en électricité dans le pays est d'environ 45,4% (80% dans les zones urbaines et 1% dans les zones rurales (Banque mondiale 2019).


En outre, l’élaboration de politiques publiques sur le numérique tout autant la gestion des programmes de développement des capacités requiert des compétences humaines et des ressources financières. Ce problème risque de perdurer à cause de l’absence des compétences (juridiques, informatiques, mécaniques et législatives) liés au numérique dans les programmes de formation depuis l’école primaire jusqu’à l’enseignement supérieur.


Afin de résoudre ces problèmes, il est important qu’avec l’appui de la Francophonie et  des autres parties de la communauté internationale qu’un audit des besoins en matière de développement cybernétique soit mené en Haïti. A la suite de cet audit, une cyber stratégie de développement des capacités doit être élaboré, puis exécuté. L’audit est indispensable afin d’éviter la duplication de projets inappropriés au contexte haïtien. Et il permettra aux acteurs de disposer de faits et non pas seulement de bonnes volontés pour agir dans le développement des capacités dans le pays.


Le cyberespace nous a offert autant de défis que de promesses. Les données numériques sont devenues de véritables enjeux entre les Etats. Vu la place et le potentiel du numérique, les Etats et les coalitions politiques veulent tous avoir une position prépondérante dans la cyber société mondiale. 


On a également remarqué une démultiplication de la coopération internationale. Cette mouvance internationale a atteint un point tournant avec l’adoption du Programme d’action[26] pour l’avancement des comportements responsables des Etats dans le cyberespace en date du 2 novembre 2022.


Cet intérêt international pour le cyberespace représente une occasion pour la Francophonie d’émerger comme un acteur prépondérant dans les discussions et la gouvernance de la cyber société mondiale.


A l’instar des autres coalitions internationales comme l’OTAN, l’ONU et l’Union européenne, la Francophonie à travers la mise en œuvre de sa Stratégie numérique de la Francophonie (2022-2026) doit appuyer le renforcement des capacités des Etats en voie de développement. Elle peut se concrétiser par la création d’un comité ouvert à tous les membres qui évaluent les besoins et proposent des solutions dans le domaine du numérique. Afin de rattraper les retards de la communauté francophone par rapport à la communauté anglophone, un centre d’excellence permanent pourrait être créé afin de former l’expertise francophone.


Toutefois, les efforts de la Francophonie doivent être déployés à travers la coopération avec l’ONU et les autres organisations internationales et régionales. Cela évitera la duplication des initiatives et une rationalisation des dépenses. Conséquemment, plus de ressources seront susceptibles d’être mobilisés au profit des pays en développement.


Les technologies de l’information et des communications sont des vecteurs pouvant accélérer et accroitre les actions de la Francophonie, tant dans la promotion de la langue française et des valeurs démocratiques, que la coopération politique et économique entre les Etats-membres. Elles représentent une opportunité unique de mettre en valeur l’expertise francophone dans l’arène internationale et de redéfinir le rôle et la place de la communauté francophone dans la gouvernance internationale, notamment la cyber société mondiale.



[1] Statistiques de la progression d’Internet, à l’adresse : https://www.internetworldstats.com/emarketing.htm, consulté le 04 Novembre  2022

[2] Barlow, J. (2000). Déclaration d'indépendance du cyberespace. Dans : Olivier Blondeau éd., Libres enfants du savoir numérique: Une anthologie du “Libre” (pp. 47-54). Paris: Éditions de l'Éclat. https://doi.org/10.3917/ecla.blond.2000.01.0047

[3] Glenn Greenwald et Ewen MacAskill ( 7 Juin 2013) NSA Prism program taps in to user data of Apple, Google and others, à l’adresse : https://www.theguardian.com/world/2013/jun/06/us-tech-giants-nsa-data

[4] Jo Adetunji ( 7 Septembre 2020), Fact check US : Quel est le poids de l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine ? à l’adresse https://theconversation.com/fact-check-us-quel-est-le-poids-de-lingerence-russe-dans-lelection-presidentielle-americaine-146252 , consulté le 04 novembre 2022.

[5] David Balaban (31 Juillet 2021), Comment vérifier si votre smartphone est surveillé par le logiciel espion Pegasus ?, à l’adresse :  https://www.forbes.fr/technologie/comment-verifier-si-votre-smartphone-est-surveille-par-le-logiciel-espion-pegasus/ , consulté le 30 Octobre 2022

[6] James Reddick ( 15 Septembre 2022), Senate confirms Fick as first U.S. cyber ambassador, à l’adresse : https://therecord.media/senate-confirms-fick-as-first-u-s-cyber-ambassador/, consultee le 16 Septembre 2022

[7] Idem

[8] L’annonce du programme a été faite sur le site du département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique, consultable à l’adresse : https://www.state.gov/global-emerging-leaders-in-international-cyberspace-security-gel-ics-fellowship/

[9] Russia initiates its draft of int’l convention on countering cybercrime, disponibel a l’adresse : https://tass.com/politics/1318319, consulté le 20 Octobre 2022

[10] La déclaration de l’agent Jeremy Felming a été reporté par Reuters, consultable à l’adresse : https://www.reuters.com/world/china/fear-driving-chinas-tech-manipulation-poses-threat-all-uk-spy-chief-2022-10-10/

[11] Le journal Global Times Chinois a publié plusieurs articles en date du 12 octobre 2022 pour démentir les accusations du Royaume Uni, les traitant de propos insensés. Un des articles est consultable à l’adresse suivante : https://www.globaltimes.cn/page/202210/1276954.shtml 

[12] Fiche descriptive « Developments in the field of information and telecommunications in the Context of international security », disponible à l’adresse : https://front.un-arm.org/wp-content/uploads/2021/07/ICT-Security-Fact-Sheet-July2021.pdf

[13] La page du Conseil de l’Europe sur la Convention est consultable à l’adresse : https://www.coe.int/fr/web/cybercrime/the-budapest-convention 

[14] La Lettre datée du 9 janvier 2015, adressée au Secrétaire général par les Représentants permanents de la Chine,

de la Fédération de Russie, du Kazakhstan, du Kirghizistan, de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan auprès de l’Organisation des Nations Unies (A/69/723)

[15] Les principes de l’Appel de Paris sont accessibles sur le site de l’initiative : https://pariscall.international/en/principles

[16] L’index des cyber normes accessible à l’adresse https://carnegieendowment.org/publications/interactive/cybernorms du centre Carnegie Endowment recense plus 150 accords, déclarations, etc.

[17] La Francophonie n’a pas émis de commentaires sur les normes et principes visant à réguler le comportement des Etats dans le cyberespace, voir le site du groupe d’expert de l’ONU pour la liste des Etats et organisations qui ont soumis leurs positions, à  l’adresse : https://www.un.org/disarmament/open-ended-working-group/ 

[18] L’OIF organise annuellement un cours sur la gouvernance de l’Internet en partenariat avec DiploFoundation ( Le cours est accessible ici : https://www.diplomacy.edu/courses/gi-oif/ ) dans le cadre du projet D-CLIC.

[19] Publié dans Le Moniteur no 4 du 20 Juillet 2012

[20] La circulaire est l’un des rares outils d’une institution haïtienne fixant des standards de sécurité des systèmes de l’information. Elle est accessible sur le site de la Banque centrale (Haïti) : https://www.brh.ht/wp-content/uploads/Circulaire-126-pdf.pdf

[21] Selon les informations disponibles sur le site de l’IHSI à l’adresse : https://ihsi.ayiti.digital/mission#

[22] Telle que prescrit par l’article premier alinéa 2 du décret publié dans Le Moniteur no 20 du 29 Janvier 2016.

[23] Haïti Libre ( 31 Octobre 2022) , Haïti - Sécurité : Protection du Cyberespace haïtienhttps://www.haitilibre.com/article-7044-haiti-securite-protection-du-cyberespace-haitien.html, consulté le 25 Octobre 2022.

[24] Wislène Samaïr POPO (3 Fevrier 2022) Univers numérique et encadrement juridique. Où en est Haïti ?. LeNouvelliste, a l’adresse : https://lenouvelliste.com/article/233998/univers-numerique-et-encadrement-juridique-ou-en-est-haiti , consulte le 02 Novembre 2022.

[25] Hadson Archange Albert (19 Septembre 2019) Où est passé le projet e-gouvernance ?. AyiboPost, à l’adresse : https://ayibopost.com/ou-est-passe-le-projet-e-gouvernance/, consulté le 5 Novembre 2022

[26] Le Programme d’Action vise à remplacer les deux groupes d’experts au niveau de l’ONU, en établissant un forum permanent au niveau des Nations Unis sur la cyber sécurité internationale, une copie de ce programme est accessible à l’adresse suivante : https://front.un-arm.org/wp-content/uploads/2020/10/joint-contribution-poa-future-of-cyber-discussions-at-un-10-08-2020.pdf

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