Apparu dans les années 50 comme discipline en Europe, l’aménagement du territoire a été bien avant une préoccupation des décideurs politiques. Les pays comme l’Italie, la Grande Bretagne, la France, l’Allemagne et la Hollande étaient les premiers à appliquer des mesures relatives à l’aménagement du territoire. Pour Renée Rochefort (1962), celui-ci est le résultat d’une prise de conscience et d’une stratégie d’espace. En Haïti, un bon nombre de textes légaux exigent l’application de cette politique. Citons entre autres les articles 37 et 248 de la Constitution haïtienne du 29 mars 1987 amendée en 2011, les articles 31 aux 42 du décret du 12 octobre 2005 portant sur la gestion de l’environnement et de régulation de la conduite des citoyens et des citoyennes pour un développement durable, l’article 93 du décret du 1er février 2006 fixant le cadre de la décentralisation. Cependant, les mesures concrètes adoptées par les autorités sont très menues. Ainsi, la non application de la loi et le vide juridique existant dans certains domaines causent d’énormes difficultés et mettent parfois en péril la vie de la population haïtienne.
Dans la commune de Plaine du Nord, plus précisément dans
la première section communale dénommée Morne-Rouge, de sérieux problèmes
d’ordre démo-géographique se posent. En effet, des constructions anarchiques s’y
font à une vitesse incalculable. Tout d’abord, il y a la localité appelée Provo.
Celle-ci est située un peu dans le morne Poliko se trouvant derrière le
complexe administratif et socioculturel du Cap-Haïtien, soit à la limite de la
commune du Cap-Haïtien et celle de plaine du Nord. Justement, elle se trouve
sur l’habitation Lavoute ayant une superficie de 21,93 ha (17 carreaux de terre),
laquelle a été attribuée à l’État haïtien par le citoyen Bernard ITEA en 1998, sous
forme de don en vue de construire une gare routière. Le Conseil Municipal de
concert avec l’État central, à cette époque, ont mis cette terre en réserve
afin de construire plusieurs infrastructures (gare routière, complexe
administratif, marché public, place, lycée, centre d’accueil, etc.). Cependant,
au fil des années, des citoyens avec la complicité de certains maires corrompus
ont fini par l’envahir. Ils ont vendu beaucoup de parcelles de manière
illégale.
En mars 2006, l’administration Boniface/Latortue a posé les premières pierres de la construction du complexe administratif qui, plus tard, a été inauguré par le président Michel Joseph Martelly en février 2013. Et en même temps, certains gens ont continué à bâtir l’espace sous le silence de l’État haïtien. Aujourd’hui, des centaines de maisons abritent cet espace et les gens construisent sans contrôle dans le morne ci-dessus. Ils y abattent les arbres et emportent les roches, d’où la dégradation de cet espace. Par conséquent, à la suite de la tombée de la pluie, ces activités anthropiques causent de l’érosion. L’on peut identifier une couche de terres sur la Route Nationale #1.
Ensuite, à quelques centaines de mètres de Provo,
dans une zone dénommée Marikay se trouvant dans la vaste plaine
du Nord, l’on observe ce même problème (constructions anarchiques). Vingt ans
de cela, cette zone était presque dépourvue de maisons. Elle était totalement consacrée
à l’agriculture. L’on y plantait de la patate, de l’igname, de la banane, du
manioc, de la canne à sucre, du riz, etc. Les paysans faisaient des coumbites.
De là, ils gagnaient leur vie. Avec la montée de l’inflation, l’envahissement
des produits alimentaires étrangers sur le marché local, peu à peu les paysans
délaissaient ces terres. Une fois délaissées, des actes de spoliation s’y font
à chaque instant et certains gens décident de vendre leur propriété foncière. Aujourd’hui,
face à la périurbanisation que subit ladite section communale, les gens
construisent sur des terres marécageuses. Ainsi, cela entraine le chômage, l’appauvrissement
chez les agriculteurs, une forte diminution de la production locale et la
disparition d’une couche considérable de terres fertiles.
Par ailleurs, cette catastrophe écologique qui menace la
survie de la population de Morne-Rouge s’avère encore plus néfaste qu’on
pourrait croire. Admettant qu’on ne freine pas ces constructions anarchiques,
l’érosion continue à battre son plein, l’on risque de voir Morne-Rouge en
particulier Marikay se transforme en une zone inondable, voire un véritable
bassin versant. En ce sens, l’avenir des gens de Morne-Rouge est très menacé.
Ainsi, si aucune décision adéquate n’est prise, la situation sera pire et
peut-être l’on dira qu’il est trop tard. Donc, tenant compte de l’ampleur de ce
phénomène, étant que citoyen, nous tâchons à le traduire en problème sociétal
tout en écrivant des articles, en participant dans des émissions à la radio,
etc. Comme la politique doit être toujours au poste de commande (comme dirait
Tony Cantave) et que l’État est le lieu où se réalise l’intérêt général, il est
d’un impératif pour l’État central de concert avec la Mairie de Plaine du Nord de :
1-Mettre en œuvre
un plan d’aménagement local.
2-Réaliser le zonage du territoire de la commune de
Plaine du Nord comme c’est indiqué à l’article 93 du décret du 1er
février 2006.
3-Stopper les constructions qui se font dans ces deux (2)
localités tout en faisant des travaux nécessaires en amont et en aval.
4-Sensibiliser les gens de ladite Commune via des
campagnes de formation. Ce qui pourra les aider à avoir au moins des
comportements plus ou moins rationnels.
5-Organiser un déplacement des gens les plus vulnérables
face à une éventuelle ampleur de cette menace écologique vers d’autres zones
appropriées aux constructions d’habitat.
6-Sauver le reste des terres fertiles et les mettre à
nouveau aux pratiques agricoles.
Bibliographie
Gourvil, J-M. « Une version technocratique de
l’animation sociale : le BAEQ », Université de Montréal.
Institut National de Santé Publique (INSP), (2009). Le zonage municipal : un outil
contribuant à créer un environnement bâti favorable aux saines habitudes alimentaires,
Québec, Canada : INSP. Url : http://www.inspq.qc.ca.
Rochefort, R. (1962). « Problèmes humains de
l’aménagement du territoire » in Revue
de géographie de Lyon, vol.37, no4, pp.287-311. fichier PDF généré le
13/05/2018, consulté le 3 mai 2020. URL :
https://www.persee.fr/doc/geoca_0035-113x_1962_num_37_4-1744
Viellard-Baron,
H. (2009). « Le zonage en
question » in Revue Projet,
Vol.5, No312, pages 56 à 63, Mis en ligne sur Cairn.info le
01/01/2010, consulté le 09 mai 2020. Url : https://doi.org/10.3917/pro.312.0056